Par Margaret Phillips – avec des extraits des éditions de février et mars 1998 de L’Écho de Cantley
Traduction de Marie-Josée Cusson
C’est le 20e anniversaire de l’une des pires catastrophes naturelles de l’histoire du Canada. Comme une grande partie de l’Est du Canada, Cantley a souffert et s’en est sortie, récoltant au passage beaucoup de souvenirs, quelques retombées positives, une grande reconnaissance et une belle fierté.
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Le 4 janvier 1998, la pluie verglaçante a transformé Cantley en un monde de cristal aux allures irréelles en l’enveloppant d’une épaisse couche de glace aussi belle que dangereuse. Seul le craquement de la glace et des branches brisait le silence fantomatique. Par moments, des jets de flammes jaillissaient des câbles et transformateurs hydroélectriques. Cantley était piégée, recluse et sans électricité. Les routes disparaissaient sous leur surface glacée. Les arbres rendus lourds créaient des arcs, jusqu’à épouser le sol. La glace impénétrable recouvrait les voitures, les maisons, tout le paysage.
Bien des habitants de Cantley n’avaient d’autre choix que de partir de chez eux pour aller au travail ou parce qu’il aurait été trop dangereux d’y rester. Sandy Fitzgibbon se souvient à quel point il avait été long et périlleux de se rendre à Ottawa, le soir du 4 janvier. Le silence régnait, sauf lorsque des branches d’arbres cassées atterrissaient sur la voiture. Son mari et elle n’avaient pu regagner leur maison que deux semaines plus tard. À leur retour, ils avaient dû constater les dommages, la rupture de conduites d’eau et les pertes matérielles, dont leurs plantes.
Beaucoup sont restés à Cantley. La famille de Mary Holmes chauffait sa maison au poêle à bois. Le quotidien était cependant compliqué, car les écoles, les garderies et les entreprises étaient fermées.
Mon père de 76 ans, Bob Phillips, a refusé d’abandonner sa grange adorée. Il a décidé de traverser cette épreuve seul avec son chien Dan, comme des colons l’avaient fait dans la même maison en rondins. Il a fermé les portes et les trappes de ventilation de toutes les pièces et il s’est installé dans son petit salon en se réchauffant lui aussi avec son poêle à bois. Pendant ces 12 journées sans électricité, papa a réussi à tout cuisiner dans un caquelon à fondue… même son café matinal. La famille et les voisins se sont donné beaucoup de mal pour lui apporter de l’eau et le nécessaire, lorsque c’était possible, sur une traîne sauvage à travers le paysage hasardeux.
Comme des milliers de branches cassées recouvraient la maison de Benton Jackson – un homme d’un certain âge –, la maison était devenue inaccessible. Lorsqu’ils s’en sont aperçus, ses voisins ont alerté la Municipalité. Les pompiers de Cantley ont trouvé l’homme étendu sur son plancher, inconscient et souffrant d’un empoisonnement au monoxyde de carbone et d’hypothermie. Ils ont heureusement été capables de le réanimer et de lui sauver la vie! Benton a ensuite séjourné dans la salle du Conseil de Cantley, où un refuge bien organisé avait été aménagé pour accueillir des gens, la nuit. Ces sinistrés avaient aussi accès à la bibliothèque, de jour. Ils pouvaient y manger trois délicieux repas maison par jour, cuisinés et servis par des bénévoles à la Maison Hupé. Carole Chartrand, la coordonnatrice, a indiqué que les bénévoles ont servi jusqu’à 500 repas par jour aux gens dans le besoin!
Dans sa lettre publiée dans l’édition de février 1998 de L’Écho, Benton remercie ses héros et il félicite Cantley pour son excellent plan d’urgence : « Quels gens magnifiques nous avons parmi notre population! Quels nobles actes de bienveillance dont nous avons été tout récemment témoins. Surtout le maire de Cantley, M. Michel Charbonneau, le personnel de son administration municipale, qui se trouvaient à la tête d’une organisation efficace de plan d’urgence, méritent une très grande reconnaissance ».
Madame Chartrand a dit à L’Écho que sa liste de bénévoles cantléens s’étendait sur cinq pages. Douze personnes ont offert un toit à leurs concitoyens. Des bénévoles ont livré des repas, du bois de chauffage, de l’eau et d’autres articles dont les gens ne pouvaient se passer. Le maire, quelques conseillers et le personnel de la Municipalité étaient toujours prêts à aider. Les pompiers de Cantley visitaient systématiquement tous les habitants de la municipalité pour s’assurer qu’ils allaient bien et pour aider les personnes en difficulté.
Le service d’incendie de Cantley, le personnel des travaux publics et 12 soldats ont travaillé 10 heures par jour pendant sept jours pour nettoyer les routes afin de permettre le passage du personnel d’Hydro-Québec. Cantley fut la première municipalité de la MRC à le faire. C’est pour cette raison que la municipalité a rapidement reçu l’aide des Forces armées et de la Croix-Rouge. Les équipes d’Hydro-Québec ont pu rétablir le courant dans certaines maisons en quelques jours, dans la plupart des maisons en deux semaines, et après beaucoup plus de temps pour d’autres.
Les lettres et articles publiés dans l’édition de février 1998 (Écho 1998-02) de L’Écho allaient dans le sens de ce que le maire Michel Charbonneau avait écrit, soit que la crise du verglas a démontré la force de Cantley comme l’avait fait auparavant la lutte pour son indépendance en 1989, « mais cette fois-ci, [ça avait] été un effort collectif extraordinaire de la part de la population ».
Gabrielle Tassé a quant à elle écrit : « Ca y est! Nous avons réussi. Nous avons survécu à la tempête de verglas. Le plus fantastique dans tout ça, ce fut l’esprit d’entraide, le soutien moral, les liens créés, les nouvelles connaissances qui se sont développées. Nous avons pu voir un côté des gens que l’on ne connaissait pas et il fait chaud au cœur de savoir que l’on ne sera jamais seul. Alors je veux dire à tous ceux et celles qui se sont impliqués, un peu ou beaucoup, peu importe de quelle façon, un gros MERCI. Ce sont des gens comme vous qui rendent Cantley un endroit où il fait bon vivre ».